Janvier 2010 – Interview de Patrick Le Guen
Interview réalisée par Sekinah sur le blog Parents durables
Education respectueuse ou non-violente ou encore sans fessée … qu’est-ce que cela évoque pour vous ? Définition…
L’enfant est une petite ou très grande (selon le point de vue) personne digne de respect et d’amour. C’est à ce titre que l’éducation que je souhaite pour mon enfant et les enfants est une éducation qui n’utilise pas la violence (physique, verbale, morale) comme un moyen de soumission ou d’obéissance. Sans doute est-ce utopique dans le sens où la réalité nous montre un monde où la violence est partout présente (dans la famille, à l’école, dans les institutions, dans le travail, dans la politique et la vie économique) et souvent dérégulatrice des relations humaines. L’éducation que j’imagine et que j’essaie de pratiquer pose pour principe le non recours à la violence pour confronter l’enfant à la réalité et aux conséquences de ses actes quand il y a transgression. Non recours à la violence pour ne pas faire entrer l’enfant dans un système de soumission face à l’adulte (qui, pour moi, ne conduit qu’à la reproduction d’un système dominant/dominé générateur de violences et dont il faudra de nombreuses années pour en sortir et malheureusement parfois ne jamais en sortir) mais pour éveiller sa responsabilité et une forme de gratitude envers sa propre vie et celles des autres.
Est-il facile pour les parents d’aujourd’hui de tendre vers ce type d’éducation ? Quelles sont les difficultés rencontrées ?
Les parents ont besoin de lieux où il peuvent partager leurs découvertes ou leurs désarrois dans ce type d’éducation somme toute marginale à mes yeux. Il y a souvent une pression sociale (amis, voisinage…) et familiale (parents, grands-parents) qui tend à ramener à la norme des comportements et aspirations jugés trop différents. Je veux dire que le besoin d’appartenance, de soutien me paraît essentiel pour porter un tel projet éducatif et traverser les épreuves quand il y en a. Tendre vers une utopie (l’utopie étant non pas l’irréalisable mais l’irréalisé selon la définition de Théodore Monod) n’est pas simple ni aisée. Il faut une force intérieure, une espérance… que je n’ai pas toujours ! Ma femme et moi partageons les mêmes valeurs, ce qui est une aide considérable. Nous nous épaulons au quotidien dans les moments de faiblesse et de doute, nous dialoguons beaucoup et savons parler de nos limites et souffrances en tant que parents. Ce dialogue est essentiel pour nous, j’y puise des forces nouvelles pour réaliser « l’irréalisé ».
Et les enfants eux… quel type de relation attendent-ils finalement de leurs parents ?
Il m’est difficile de me mettre dans la peau d’un enfant pour savoir ce qu’il attend de ses parents. Je peux néanmoins me référer à ma propre éducation et à mes besoins d’ex-enfant pour mieux appréhender ceux de mon enfant. Mais il y a sans doute un piège à vouloir proposer et donner à nos enfants ce qui, précisément, nous a manqué, nous, ex-enfants. Ce serait éduquer en fonction de nos manques et non pas en fonction des besoins réels de nos enfants… si différents de nous-mêmes ! J’en tire comme conséquence que la communication est la dimension à travailler, à agrandir dans notre relation aux enfants, de sorte qu’ils puissent apprendre à se dire et à exprimer leurs besoins, leurs peurs, leurs désirs vrais, ce qui se fera si nous-mêmes avons appris à écouter et accueillir sans jugement (et il faut parfois un long et douloureux travail pour y parvenir !). Pour répondre plus précisément à la question : je crois que les enfants attendent des relations claires, saines et structurantes dans lesquelles ils puissent sentir de la sécurité et surtout dans lesquelles ils puissent exprimer pleinement leur dimension affective et créatrice ! Si les relations sont porteuses de dangers ou de menaces implicites, je crois que l’enfant utilisera beaucoup d’énergie pour se protéger. Cette énergie ne sera pas utilisée pour aimer, dialoguer, nourrir des relations épanouissantes, agrandir la vie et construire une intériorité riche et solide. Ce que je dis là est valable pour nous adultes également !
Quelles pistes pouvez-vous donner aux parents qui souhaitent cheminer vers une « éducation respectueuse » ? Par où commencer ?
Se former s’ils en ont les moyens (ça a été mon chemin) et se rencontrer pour mettre en commun leurs réussites comme leurs échecs ou leurs doutes. Du dialogue, de la mise en commun (sens que je donne au mot communiquer) pour puiser des forces nouvelles, de l’espérance et de la créativité.
Votre conseil-fétiche pour rester zen quand votre enfant fait une bêtise (en une phrase) ?
Je me répète cette phrase magique : « Il est merveilleux cet enfant ! » (très sincèrement)